Moulins et Patrimoine
Alain PROUST

 

Quelques réflexions sur la restauration des mécanismes hydrauliques des moulins

 Que vous restauriez vous-même votre mécanisme ou que vous le fassiez restaurer :

Pour tirer de l’énergie de l’eau, il faut de l’eau en quantité suffisante et une pente. C’est le mouvement de l’eau qui est source d’énergie. Il faut donc retrouver la situation hydraulique d’origine, la plus adaptée, la seule qui permette de retirer de l’énergie de la rivière. Tout compromis sur cette question conduira le plus souvent à l’échec pour ce qui concerne l’utilisation de l’énergie hydraulique.

Pour transformer cette énergie en mouvement, il faut un moteur performant, c’est à dire une roue aux caractéristiques adaptées au site (profil et nombre des aubes, vitesse de rotation, résistance des matériaux, composition de la structure) et, ce qui est souvent oublié et pourtant absolument déterminant, une vanne motrice adaptée à la roue qui canalisera en quantité et en direction l’eau sur la roue. On peut imaginer un moteur diesel qui n’aurait pas d’injecteur, ou un injecteur mal adapté. Si ces conditions ne sont pas réunies, le rendement de la roue tombe très vite, en devenant rapidement négligeable.

Si l’énergie de l’eau est bien transformée en mouvement, les forces en présence dans les mouvements lents peuvent être considérables. Il est très souhaitable de les calculer pour se rendre compte de la nécessité de les prendre au sérieux et de concevoir des installations fiables. A défaut, l’observation des mécanismes anciens de moulins donne une idée des échantillonnages qui conviennent. Et il ne faut certainement pas imaginer que les aciers du XIX sont de moins bonne qualité que ceux d’aujourd’hui. Bien au contraire. Non pas que nous ne sommes pas aujourd’hui capables de produire des aciers d’excellente qualité, mais les aciers courants d’un prix de revient moyen sont de qualité inférieure à ceux employés dans les mécanismes du XIX siècle.

La détermination de l’énergie réelle que peut produire une installation hydraulique reste un problème pour de nombreux propriétaires de petits moulins.Il est vrai que cela est à la fois trop difficile et trop simple. Trop simple, parce que, bien sûr, la fameuse formule toujours appliquée, souvent mal comprise ce qui conduit à l’appliquer de façon erronée, est loin, parfois très loin, de donner une idée de l’énergie que peut produire une installation. Des publications grand public, même récentes, malgré parfois l’utilisation de nombreuses formules (appliquées de façon surprenante), laissent entendre aux propriétaires de moulins qu’il disposent d’une énergie bien supérieure à la réalité. Trop difficile, parce qu’une étude sérieuse demande du temps et quelques connaissances en physique et en hydraulique, chaque installation étant en fait unique. Alors, quelle solution? On peut admettre, en allant vite, considérant l’intérêt des uns et des autres, ou leurs limites, que l’on peut diviser par deux les chiffres souvent avancés. N’oublions pas que la connaissance de la puissance réelle produite d’une installation ne peut se déduire de la puissance lue sur la plaque de la génératrice, ni de l’importance du bâtiment du moulin, ni de l’aspect du remous, ni du diamètre de la roue, ni des souvenirs d’un ancien meunier, ni même de la simple lecture d’un ampèremètre.

Le coût d’une installation de production d’électricité. Il faut le dire tout de suite, une installation dans un petit moulin d’un système de production d’électricité, surtout avec une roue, n’est pas rentable financièrement, même si quelque propriétaire qui a passé 5 ou 10 ans de son existence à installer son système tentera de prouver le contraire. De même qu’on ne peut parler de rentabilité pour l’aménagement d’une salle de bain, l’achat d’une voiture ou la restauration d’un pigeonnier ou d’un lavoir. Ces installations procurent cependant de grandes satisfactions aux propriétaires qui ont fait ce choix pour d’autres raisons.

Est-il réaliste d’espérer une révolution technique, dans l’avenir, dans le domaine de la production d’électricité avec un moulin à partir d’une roue, ? Non, bien sûr. Le seul aspect délicat et onéreux est la transmission mécanique vers un générateur de la vitesse de rotation lente d’une roue. Il est parfaitement connu, maîtrisé, depuis le milieu du XX, et il n’est pas susceptible d’évoluer à l’échelle du propriétaire d’un moulin. Il est délicat et onéreux parce que les forces mécaniques en présence sont très importantes. Les installations mécaniques sont donc conséquentes.

Est-il réaliste d’espérer une révolution technique, dans l’avenir, dans le domaine du moteur hydraulique d’un moulin comme la roue, ? Non. Au risque de contredire quelques inventeurs de prototypes à l’étude, dans nos petits moulins, une loi physique est incontournable : celle de la gravité. C’est cette loi qui détermine en grande partie par exemple la vitesse de rotation du moteur qui restera donc toujours lente, avec les conséquences déjà signalées. Et qu’importe que nous installions une génératrice ou un système de production d’eau chaude ou autre chose : à puissance identique, les couples seront identiques, et le mécanisme subira les mêmes contraintes.

Si une roue n’entraîne pas de mécanismes, une plus grande liberté est laissée dans sa réalisation. Il paraît très souhaitable cependant de lui conserver l’aspect des roues quand elles étaient en service. Il est maintenant habituel de prendre soin de conserver un aspect traditionnel à la toiture, aux menuiseries, à l’enduit de son moulin. Un même soin doit être accordé à la roue pour éviter certaines maladresses de la fin du siècle dernier. La soudure et l’acier sont à la roue du moulin, ce qu’est le béton à la restauration du patrimoine rural. Ils sont nécessaires (excepté les soudures !), mais à utiliser avec modération.

(Article écrit en 2002, toujours d’actualité en 2012)